23
MAR
2019

SNC-Lavalin face au « Régime d’accord de réparation » du gouvernement fédéral

        SNC-Lavalin est une entreprise spécialisée en gestion de projet. C’est la plus grande société d’ingénierie et de construction au Canada et l’une des plus importantes dans le monde[1]. Issue de la fusion entre SNC et Lavalin en 1991, cette entreprise emploie 52 400 personnes dans plus de 50 bureaux à travers le monde, dont 3 400 au Québec[2].  Depuis 2015, l’entreprise SNC-Lavalin fait face à des accusations criminelles pour corruption et fraude, notamment pour des gestes qui auraient été posés dans le but d’obtenir des contrats publics en Libye[3]. De telles accusations ont inévitablement de sérieuses conséquences sur l’entreprise.

            Effectivement, si elle est reconnue coupable, l’entreprise est exposée à la possibilité de ne pas pouvoir obtenir de contrats gouvernementaux canadiens pendant une période allant jusqu’à 10 ans[4]. Elle se retrouverait ainsi immanquablement face à des difficultés financières importantes et sa réputation serait sans aucun doute grandement entachée, tant au Canada qu’à l’étranger[5]. Ces conséquences auront des répercussions sur les employés de la société ainsi que sur les investisseurs qui, eux, n’ont rien à voir dans ce scandale.

            C’est justement dans le but de contrer ces conséquences fâcheuses que pourrait avoir une condamnation au criminel sur les employés et les actionnaires de SNC-Lavalin que le gouvernement fédéral a adopté, l’an dernier, une « version canadienne d’un régime d’accord sur la suspension des poursuites, qui [est maintenant] connue sous le nom de Régime d’accord de réparation »[6]. Ce régime a pour objectif de tenir les organisations fautives responsables de leurs inconduites, « tout en protégeant les parties innocentes […] des conséquences négatives d’une condamnation criminelle de l’organisation »[7]. Ce régime a été institué par la Loi no 1 d’exécution du budget de 2018[8] qui ajoute les articles 715.3 à 715.43 au Code criminel[9].

            SNC-Lavalin souhaitait d’ailleurs avoir l’opportunité de négocier un tel accord de réparation. Cela aurait eu pour effet de suspendre les poursuites criminelles et l’entreprise aurait pu convenir avec les autorités canadiennes de différentes conditions à respecter ainsi que d’une amende à payer afin d’éviter qu’elle ne soit « disqualifiée de l’obtention de contrats d’approvisionnement »[10].

            En 2018, la directrice des poursuites pénales du Canada (DPPC) a refusé à SNC-Lavalin la possibilité de négocier un accord de réparation[11]. Face à ce refus, l’entreprise a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la DPPC devant la cour fédérale[12]. La juge Kane a rendu sa décision à cet effet le 8 mars dernier, aux termes de laquelle elle conclut que « les tribunaux n’ont aucun rôle de supervision à l’égard des décisions prises par les procureurs dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire »[13]. SNC-Lavalin se retrouve ainsi à la case départ et ne bénéficie toujours pas de la possibilité d’un accord de réparation. L’entreprise doit ainsi faire face aux accusations criminelles portées contre elle et composer avec toutes les conséquences qui découleraient d’une condamnation éventuelle.

SNC-Lavalin pourrait toutefois faire appel de la décision de la juge Kane à la cour d’appel fédérale à titre d’ultime recours.

Le refus de la DPPC a fait l’objet d’une grande controverse en lien avec des allégations d’ingérence politique du gouvernement Trudeau. Il aurait tenté d’influencer l’ex-ministre de la Justice Judy Wilson-Ray-Bould. Ceci a inévitablement de graves conséquences sur le gouvernement à la veille des élections et il devra en répondre auprès de ses électeurs.

 

[1] SNC-LAVALIN, « À propos », (2018), SNC-Lavalin, [en ligne], [http://www.snclavalin.com/fr/a-propos#], (18 mars 2019).

[2] LES AFFAIRES, « Fiches entreprise – SNC-Lavalin (groupe) », (2019), Les affaires, [en ligne], [https://www.lesaffaires.com/fiches-entreprise/snc-lavalin-groupe/2023#n_employees], (18 mars 2019).

[3] LA PRESSE CANADIENNE, « Accusée de corruption en Libye, SNC-Lavalin cherche toujours un accord avec Ottawa », (2018), Radio-Canada, [en ligne], [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1128950/accusations-pas-entente-ottawa-snc-lavalin-libye], (11 mars 2019).   

[4] Gérald FILION, « Sans entente, l’avenir de SNC-Lavalin est en danger », (2019), Radio-Canada, [en ligne], [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1152379/avenir-snc-lavalin-danger-accord-reparation-gouvernement-federal], (11 mars 2019).

[5] Id.

[6] Id.

[7] Id.

[8] Loi no 1 d’exécution du budget de 2018, LC 2018, c. 12, partie 6, section 20.

[9] Code criminel, LRC 1985, C-46.  

[10] Gérald FILION, préc., note 4.

[11] Améli PINEDA, « La Cour fédérale déboute SNC-Lavalin », (2019), Le Devoir, [en ligne], [https://www.ledevoir.com/societe/549476/accord-de-reparation-le-cour-fererale-deboute-snc-lavalin], (11 mars 2019).

[12] Id.

[13] Id.

Étudiante au baccalauréat en droit de l’Université Laval. Impliquée comme bénévole dans le comité Pro Bono de l’Université Laval. Portant un intérêt particulier au droit de l’entreprise.

Contribuer